Par Arlette Akoumou Nga
“Presque à trois millions” de personnes auront fui le Soudan dans les deux à trois prochaines semaines. Un “désastre” selon le coordonnateur régional des Nations unies pour les réfugiés Mamadou Dian Balde qui estime que l’intensification de la “brutalité” du conflit est la cause principale de l’afflux de réfugiés.
Le Soudan est le théâtre depuis avril 2023 d’une guerre entre les Forces de soutien rapide (FSR) dirigées par le général Mohamed Hamdane Daglo et l’armée menée par le général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du pays.
Les deux camps ont été accusés de crimes de guerre, notamment d’avoir visé des civils et bloqué de l’aide humanitaire. Le conflit a fait des dizaines de milliers de morts, quelque 26 millions de personnes font face à une insécurité alimentaire sévère, et la famine a été déclarée dans le camp de Zamzam au Darfour.
Quelque 11,3 millions de personnes ont été déplacées, dont 2 947 027 ont fui le Soudan, selon les derniers chiffres de l’agence de l’Onu pour les réfugiés (Hcr).
Signe de l’intensification du conflit dans le Darfour, région dans l’ouest du Soudan, quelque 25 000 personnes – dont 80% de femmes et d’enfants – sont arrivées dans l’est du Tchad du 1er au 7 octobre, le nombre le plus élevé cette année, selon Mamadou Dian Balde. C’est aussi bien plus que sur l’ensemble du mois de septembre, au cours duquel environ 20 270 personnes avaient fui au Tchad.
Ce pays, parmi les plus pauvres au monde, accueille le plus grand nombre de réfugiés soudanais (681 944) mais les services de base pour les accueillir font défaut, explique Mamadou Dian Balde, tout en soulignant la générosité dont font preuve les Tchadiens.
Appel à la générosité internationale
“Quand on voit 25 000 arrivées, c’est extrêmement énorme”, insiste-t-il, appelant à un plus grand soutien de la communauté internationale. Le plan régional de réponse aux réfugiés pour 2024, évalué à 1,51 milliard de dollars, n’est financé qu’à hauteur de 27%.
“Ce n’est pas assez, parce que le nombre de réfugiés continue à grandir”, assure le haut responsable onusien qui dit s’attendre “très malheureusement dans les prochaines semaines à avoir beaucoup plus de réfugiés au Tchad” en raison de l’intensification du conflit au Darfour mais aussi de “la baisse des eaux”. Avec la fin de la saison des pluies, l’Onu espère elle pouvoir acheminer davantage d’aide au Soudan si les parties en conflit le permettent.
Plusieurs cycles de négociations ne sont pas parvenus à mettre fin aux combats. Fin août, suite à des discussions organisées par les États-Unis en Suisse, les belligérants ont pris l’engagement de garantir un accès sûr et sans entrave aux humanitaires sur deux routes clé.
“Cela nous a aidé à sauver des vies humaines” mais “tous les engagements pris n’ont pas été respectés” et l’arrivée de l’aide reste “limitée”, relève Mamadou Dian Balde, déplorant la persistance de “barrières au niveau administratif”.
Venu à Genève pour participer à la réunion annuelle du comité exécutif du Hcr, il y a présidé une discussion sur le Soudan au cours de laquelle il a demandé le soutien des “acteurs du développement dès maintenant” pour aider les réfugiés soudanais dans la région à s’intégrer dans le marché du travail pour ne pas dépendre de l’aide humanitaire.
“On demande à mobiliser les acteurs de développement pour compléter” l’aide humanitaire, a-t-il expliqué, tout en soulignant le besoin de paix au Soudan.
Car penser que les déplacements de population vont se limiter au Soudan et à la région serait “une grosse erreur”, ajoute-t-il : “il y en a de plus en plus qui viennent vers l’Italie, vers l’Europe, vers l’Afrique australe” et “il y en a qui vont aller vers les pays du Golfe également”.