Par Sasha Blanche N.
Au Mali, le chef de la junte au pouvoir, Assimi Goïta, et les colonels auteurs du coup d’État de 2020 qui a renversé l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta ont été faits généraux lundi, lors d’une cérémonie officielle diffusée par la télévision nationale. Une décision qui suscite de nombreuses critiques dans le pays. Officiellement, celui qui a pris la tête de la transition depuis le 24 mai 2021 est fait général d’armée « à titre exceptionnel », dit un communiqué du conseil des ministres en date du 16 octobre, avec cinq étoiles. Il devient ainsi le plus haut gradé du pays. Avant lui, seuls Moussa Traoré, président de 1968 à 1991, et Amadou Toumani Touré, chef de l’État en 1991-1992 puis de 2002 à 2012, avaient atteint ce grade. Tous deux avaient également accédé au pouvoir après des coups d’État en 1968 et en 1991.
En 2013, le capitaine Amadou Haya Sanogo, auteur du putsch du 22 mars 2012 qui avait renversé Toumani Touré, était passé de simple capitaine à général de corps d’armée, mais avec quatre étoiles.
Pour Assimi Goïta, cette montée en grade symbolique, puisque le président est de facto chef suprême des armées, fait craindre des années supplémentaires de régime militaire. Il est également pressenti comme probable candidat à une future présidentielle, pour l’instant renvoyée à une date inconnue.
Une recommandation du dialogue intermalien
Lors d’une cérémonie officielle lundi, l’ancien commandant des Forces spéciales a donc accroché les insignes de général de corps d’armée aux épaules de ses plus fidèles alliés, les colonels Sadio Camara, ministre de la Défense, Malick Diaw, président d’une assemblée tenant lieu d’organe législatif, et Ismaël Wagué, ministre de la Réconciliation. Un autre colonel, Modibo Koné, chef du renseignement, est également élevé à ce grade, mais était absent sur les images de la télévision. Les cinq officiers sont les meneurs du putsch qui a renversé le président civil Ibrahim Boubacar Keïta en 2020. Le fait accompli a été consolidé en 2021 par un second putsch à la suite duquel Assimi Goïta a été proclamé président. La junte dirige depuis sans partage ce pays sahélien et enclavé, confronté à la propagation djihadiste et plongé dans une crise multidimensionnelle profonde depuis 2012. Une autre figure du régime, le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement, a été élevée au grade de général de division, en même temps que cinq autres officiers. Au total, onze personnalités de la transition sont concernées par ces nominations.
Une autopromotion qui passe mal
Une autopromotion à laquelle personne ne s’attendait mais qui figure bien parmi les recommandations issues des consultations organisées au printemps dernier par le pouvoir et censées proposer des solutions à la crise sécuritaire et politique. En plus de la promotion des colonels au rang de général, leur amnistie pour les actes liés aux putschs a également été entérinée par ce même texte. Il faut préciser aussi que ce dialogue national et ses conclusions ont été boycottés par l’essentiel de la classe politique malienne. Pour elle, il ne fait pas de doute que ces nominations sont en réalité parties prenantes d’une manœuvre tactique des autorités de transition pour légitimer la nouvelle stratégie militaire présentée par le général Assimi Goïta après l’attaque revendiquée par le JNIM il y a un mois de plusieurs sites à Bamako, la capitale, faisant une dizaine de morts. En effet, ces promotions interviennent dans un contexte où le Mali continue de faire face à des menaces sécuritaires graves. Surtout, le pays connaît une situation économique et sociale tendue. Face aux coupures d’électricité, aux inondations à répétition, à l’augmentation du coût de la vie, les militaires continuent de demander aux Maliens de faire preuve de patience.