Par Julie Peh
En Guinée, au procès du massacre du 28 Septembre 2009, les plaidoiries des avocats de la défense ont repris ce 10 juin 2024, avec une première prise de parole très attendue des conseils de Moussa Dadis Camara, chef de l’État à l’époque des faits : plus de 150 morts et plus d’une centaine de femmes violées lors d’un meeting de l’opposition écrasé dans le sang.
Un avocat a débuté ce lundi matin sa plaidoirie avec cet axe de défense : son client est innocent, il ne s’est rendu coupable d’aucune infraction. Bien au contraire, il a même pris des décisions pour répondre à l’urgence de la situation les jours qui ont suivi le massacre, affirme maître Traoré : déblocage de fonds pour les soins et l’hospitalisation des blessés, création d’une commission d’enquête nationale… Des faits que ne remettent pas en cause les parties civiles mais que ces dernières présentent comme un écran de fumée. Elles y voient la réaction d’un président putschiste, agissant sous la pression internationale et qui cherchait à sauver son pouvoir coûte que coûte.
Chef d’État, tout puissant au moment du massacre, Moussa Dadis Camara est une figure clé de ce procès, présenté par les parties civiles et le parquet comme le donneur d’ordre, le commanditaire de cette tuerie. Une tuerie qui aurait pu être évitée, sous-entend l’avocat, dans un exercice d’équilibriste. Lors de son rappel des faits, maître Traoré a assuré que l’opposition aurait pu, aurait dû, accepter de délocaliser son meeting et de reporter : la date du 28 septembre, référence au refus historique des Guinéens de valider le projet de communauté française en 1958, étape cruciale vers l’indépendance du pays. Le choix du stade du même nom pour tenir le rassemblement était une nouvelle violation des lois guinéennes, d’après l’avocat.
Problème : comment cela pourrait-il justifier le massacre ? Maître Traoré n’avait pas encore apporté de réponse à cette question, ce lundi à la mi-journée.
Au procès historique du massacre du 28 septembre 2009 en Guinée, l’une des pages les plus sombres de l’histoire moderne du pays, le procureur avait requis le 22 mai dernier la réclusion criminelle à perpétuité contre l’ancien président Moussa Dadis Camara et plusieurs autres responsables. Le magistrat Alghassimou Diallo avait demandé que la peine soit assortie d’une période de sûreté de trente ans, et avait réclamé que les faits soient requalifiés en crimes contre l’humanité par meurtres, assassinats, torture, séquestration et viols.
Au moins 156 personnes ont été tuées, par balle, au couteau, à la machette ou à la baïonnette, et des centaines blessées dans la répression d’un rassemblement de l’opposition dans un stade de Conakry et ses environs le 28 septembre 2009 et les jours suivants, selon le rapport d’une commission d’enquête internationale mandatée par l’Onu. Au moins 109 femmes ont été violées.