Par Julie Peh
Les experts des Nations unies ont exprimé leur inquiétude concernant les réformes législatives menées par l’exécutif français en Nouvelle-Calédonie. Ils estiment que ces réformes “remettent en cause les droits fondamentaux des peuples Kanaks”. Selon un communiqué publié par l’Onu mardi, ces réformes, notamment le “projet Marty” présenté en janvier par le ministère français de l’Intérieur, mettent en péril les acquis de l’accord de Nouméa.
Signé en 1998, cet accord, vieux d’un quart de siècle, prévoyait le transfert progressif des pouvoirs de la France vers la Nouvelle-Calédonie, garantissant la reconnaissance de l’identité kanake et des institutions coutumières.
Les experts ont souligné que la tentative de “démantèlement de l’accord de Nouméa porte gravement atteinte aux droits humains des Kanaks” et compromet l’intégrité du processus de décolonisation. Ils reprochent à la France d’avoir ignoré les droits de participation et de consultation des Kanaks ainsi que leur droit au “consentement libre, préalable et éclairé”. “Le gouvernement français n’a pas respecté ces droits fondamentaux”, insistent-ils, en évoquant l’absence de dialogue avec les autorités coutumières, telles que le Sénat coutumier.
Depuis février 2024, des dizaines de milliers de Kanaks se mobilisent pacifiquement pour dénoncer ces réformes, mais la situation a dégénéré en mai avec des violences.
Réformes en Nouvelle-Calédonie: une menace pour les Kanaks ?
Selon les experts, la réponse des autorités françaises s’est caractérisée par un recours à la force, entraînant plusieurs morts, des centaines de blessés et “plus de 500 disparitions forcées”. Les experts se disent également “particulièrement préoccupés par les milices lourdement armées de colons anti-indépendantistes” et critiquent l’inaction des autorités pour démanteler ces groupes. Les experts appellent la France à garantir l’État de droit et à respecter “le principe d’irréversibilité de l’accord de Nouméa”, réitérant que les accords conclus doivent être “constitutionnellement garantis jusqu’à ce que la Nouvelle-Calédonie atteigne la pleine souveraineté”. Ils se disent disponibles pour “fournir les recommandations nécessaires” aux autorités françaises.
Pour rappel, depuis une réforme constitutionnelle de 2007, les listes électorales pour les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie sont gelées à leur état de 1998, ce qui empêche les révisions annuelles en fonction des mouvements de population. En janvier, le gouvernement a proposé un projet de loi constitutionnelle pour dégeler le corps électoral à partir du 1er juillet 2024, en y intégrant les citoyens nés sur place ou y résidant depuis au moins dix ans.
Cette réforme, suspendue en juillet par le président français Emmanuel Macron, est fortement contestée par les indépendantistes, qui craignent qu’elle ne réduise l’influence des Kanaks en diluant leur pouvoir électoral. Au moins onze personnes sont mortes en Nouvelle-Calédonie depuis le début des violences qui touchent cet archipel du Pacifique, colonisé par la France au XIXe siècle.