Par Joël Onana
La grève aura duré trois jours. Les dockers américains vont reprendre le travail, ont annoncé jeudi 3 octobre syndicats et employeurs dans un communiqué commun, alors que le blocage des ports aux États-Unis menaçait de provoquer pénuries et hausses de prix à un mois de l’élection présidentielle.
“Dès maintenant, toutes les actions en cours cesseront et tous les postes couverts par le contrat-cadre reprendront”, indiquent le syndicat des dockers (Ila) et l’Alliance maritime des États-Unis (Usmx), qui représente leurs employeurs.
Les deux parties déclarent avoir “conclu une entente de principe sur les salaires”, sans plus de précision. Mais, selon le Wall Street Journal qui cite des personnes proches du dossier, les employeurs ont proposé une augmentation des salaires de 62 % sur six ans, qui a été acceptée par le syndicat.
Syndicats et employeurs vont toutefois devoir reprendre les discussions, car ils “ont convenu de prolonger le contrat-cadre jusqu’au 15 janvier 2025 afin de revenir à la table de négociation pour négocier toutes les autres questions en suspens”
Progrès crucial
“Ils ont les prochains 90 jours pour tout mettre en place”, a déclaré Joe Biden à des journalistes jeudi soir, de retour à la Maison Blanche. Le président américain avait, peu avant, salué dans un communiqué cet accord, qui va permettre de “rouvrir les ports de la côte est et du golfe”, et “représente un progrès crucial vers un contrat solide”.
Il avait aussi remercié “les travailleurs syndiqués, les transporteurs et les opérateurs portuaires qui agissent avec patriotisme pour rouvrir nos ports et assurer la disponibilité de fournitures essentielles au rétablissement et à la reconstruction après l’ouragan Hélène”.
Quelque 45 000 membres du syndicat des dockers étaient en grève depuis mardi dans 36 ports de l’Alliance maritime des États-Unis sur la côte est et le golfe du Mexique, faute d’entente sur un nouvel accord social de six ans. Cela représente en moyenne plus de 2,1 milliards de dollars de valeur commerciale par jour, selon plusieurs sources.
Cet accord ne concerne en réalité que 25 000 syndiqués travaillant dans les terminaux de conteneurs et d’import/export de véhicules de 14 grands ports (dont Boston, New York, Philadelphie, Baltimore, Savannah, Miami, Tampa, Houston).
Joe Biden avait refusé d’intervenir dans le conflit. La porte-parole de la Maison Blanche avait jugé qu'”il est temps que l’Usmx négocie un accord juste avec les dockers qui reflète leur contribution importante à notre reprise économique”.
L’ex-président Donald Trump, qui brigue un nouveau mandat, avait estimé à Milwaukee que Joe Biden “aurait dû travailler à un accord entre eux” et relevé que les dockers représentaient “la force vive” du pays. À un mois désormais de l’élection du 5 novembre, cette grève menaçait de provoquer des pénuries et d’attiser l’inflation.
Les transporteurs, contraints de dérouter leurs bateaux, avaient ainsi prévu d’appliquer des surcharges : 1 000 dollars supplémentaires par conteneur pour l’armateur allemand Hapag-Lloyd, entre 800 et 1 500 dollars pour son concurrent français Cma Cgm, d’après la plateforme allemande de logistique Container xChange. Et jusqu’à 3 780 dollars pour le géant danois Maersk, selon les analystes de TD Cowen. En parallèle, les prix augmentaient vers des destinations où il n’y avait pas de grève.
Joe Biden avait prévenu mardi que son administration surveillerait “toute activité de gonflement des prix qui profiterait aux armateurs étrangers, y compris ceux siégeant au conseil de l’Usmx”.
Selon Oxford Economics, chaque semaine de grève aurait amputé le PIB américain de 4,5 à 7,5 milliards de dollars et, par ricochet, jusqu’à 105 000 personnes auraient pu perdre leur emploi.
Le ministre des Transports, Pete Buttigieg, avait signalé mercredi que les transporteurs maritimes avaient vu leurs résultats bondir d’environ 350 % en dix ans tandis que les salaires des dockers n’avaient augmenté que de 15 % sur la même période. Les discussions, commencées en mai, ont été suspendues plusieurs semaines puis réactivées quelques heures avant l’expiration du contrat précédent lundi soir.
L’Alliance avait relevé son offre, proposant notamment une hausse salariale de 50 % sur la durée de l’accord, mais elle avait été rejetée par le syndicat. Celui-ci réclamait initialement 77 %, selon des médias américains, et demande notamment davantage de protections contre les pertes d’emploi liées à l’automatisation.