Avec le Député Jean Michel Nintcheu
Ainsi s’est exprimé le ministre d’État, Secrétaire général de la présidence de la République lors de la cérémonie de remise des médailles aux membres de la Task force COVID-19 et la Task force CAN 2021 le vendredi 06 octobre dernier au palais d’Etoudi. Quel déni ! On se croirait dans un film hindou, au regard de ce qui s’est réellement passé sur le terrain dès la création et la mise en branle de ces deux Task force. Le moins que l’on puisse dire est que M. Ferdinand Ngoh Ngoh a menti comme un arracheur de dents. Revenons sur le covidgate et les différents rapports de la chambre des comptes qui est une institution logée au ministère de la justice.
*Pour ce qui concerne la Task force covid-19
La chambre des comptes dans ses deux premiers rapports concernant l’exercice 2020 et délibérés le 04 juin 2021 et le 22 septembre 2022 a relevé des surfacturations, conflit d’intérêts et détournements de deniers publics. Surfacturations de 15,3 milliards de Fcfa sur les tests covid-19. Des comprimés finalement importés suite à une offre de production locale. Le ministre de l’administration territoriale qui vend des tests de dépistage à l’État. Un stock de médicaments de 536 millions de Fcfa porté disparu. Les marchés spéciaux qui font le lit des entorses à la réglementation. Opportunisme et conflit d’intérêts dans l’attribution des contrats. 1,2 milliards de Fcfa de travaux inachevés mais payés intégralement. Un paiement de 15 milliards de Fcfa de restés à payer à problème. La chambre des comptes avait conclu en mentionnant qu’il y avait 12 cas extrêmement graves susceptibles de revêtir une qualification pénale. Il n’y a jamais eu un procès public devant les les instances judiciaires du pays. Les procédures judiciaires déclenchées n’ont jamais abouti ou prospéré du fait des multiples blocages manifestement orchestrés et entretenus en haut lieu.
La Task force covid-19 est créée par la suite et installée en mars 2021. Le troisième rapport sur l’Audit du Fonds spécial de solidarité nationale (FSSN) pour la lutte contre le coronavirus et ses répercussions économiques et sociales pour le compte de l’exercice 2021 a été établi à l’issue de sa délibération en chambre de conseil le 16 mars 2023. Le rapport s’est attardé cette fois sur la régularité de l’emploi des fonds publics et sur la performance de l’action publique. Que retenir surtout de ce troisième rapport ?
- Pilotage stratégique insuffisant
- Le ministre d’État, SGPR, a été l’ordonnateur principal du compte d’affectation spéciale, même si les marchés ont été signés sur délégation du ministre de la santé publique.
- Une insuffisante articulation entre la Task force covid-19 et le ministère de la santé
- Une absence de pilotage stratégique du volet économique et social de la riposte à la pandémie. Sur ce point, l’institution mentionne que “le courrier du ministre d’État, SGPR du 08 avril 2021 a eu pour effet une mise en retraite du premier ministre de ce dossier. Dès lors le volet économique et social s’est trouvé de facto dépourvu du pilotage stratégique dont il avait besoin, ce qui a pu peser sur l’efficacité de l’action publique”.
- Une utilisation excessive de la procédure dérogatoire de trésorerie.
Pour ce qui concerne l’acquisition des tests de dépistage pour un montant de 23,783 milliards de Fcfa, le troisième rapport de la chambre des comptes indique que 20 milliards de Fcfa ont été débloqués pour l’acquisition des tests de dépistage rapide (TDR) à des prix variables, ce qui laisse penser à des surfacturations. Absence d’homologation du prix des tests. Prise en charge inopportune de frais de transport et de manutention. Surcoût de 6,26 milliards de Fcfa dans le marché passé à l’entreprise Mediline Medical. Acquisition des tests PCR par la Task force à des pris variables (surfacturations).
Il est donc clair que le ministre d’État SGPR a menti pour le volet Task Force Covid-19.
*Pour ce qui concerne la Task force Can 2021
Le scandale du complexe sportif d’Olembe. Les camerounais ont le droit de savoir tout ce qui s’est passé autour de la construction du complexe sportif d’Olembe qui est devenu un serpent de mer. À la suite d’une plainte déposée par Magil Construction, la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce de Paris a condamné le 11 juillet dernier le Cameroun à verser 23,5 millions d’euros soit 15,4 milliards de Fcfa à l’entreprise canadienne chargée d’achever les travaux du Complexe sportif d’Olembe.
Quels étaient la nature
des travaux à effectuer, le budget du projet d’achèvement du Complexe sportif d’Olembe, la structuration des financements, ainsi que la chaîne des différents paiements au profit de Magil Construction avant la plainte de cette entreprise ?
Le 22 novembre 2019, dans les bureaux du Conseiller technique en charge des affaires économiques au secrétariat général de la présidence de la République M. Ayem Moger, s’est tenue une réunion entre les représentants de l’État du Cameroun et les responsables du groupe Magil Construction. Cette rencontre a abouti à un accord pour le financement des travaux d’achèvement du projet de construction du Complexe sportif d’Olembe. Au terme des négociations auxquelles ont pris part les responsables des différents départements ministériels en charge du suivi dossier, à savoir : les responsables des services du Premier ministre, du comité de pilotage de la Can (Comip-Can), du ministère de l’économie, du plan et de l’aménagement du territoire (Minepat), du ministère des marchés publics (Minmap), du ministère des travaux publics (Mintp) et de la Caisse autonome d’amortissement (Caa), l’entreprise Magil Construction s’est engagé à réaliser lesdits travaux pour un montant total de 54,822 milliards de Fcfa hors taxes, y compris la prime d’assurance qui devait être prise en compte dans le réajustement de l’offre technique finale du partenaire selon les besoins du Minesep, pour sa mise à niveau aux normes Caf/Fifa. Tout ayant commencé à la présidence de la République, on comprend pourquoi Magil Construction fait régulièrement allusion lorsqu’il déclare dans son communiqué du 11 janvier 2023 qu’il a tenu une réunion en haut lieu. Contrairement à la présidence de la République, les autres administrations étaient représentées par des chefs de services et des cadres dont la plupart ont été par ailleurs promus deux ans plus tard Chargés de mission à la présidence de la République. Pour service rendue à la mafia logée au niveau de la Task Force Can 2021. Le 16 février 2021, le président de la République a signé le décret N°2021/100 habilitant le ministre de l’économie, de la planification et de l’aménagement du territoire à signer une convention de crédit de 55.166.693.111 Fcfa avec la Standard Chartered Bank et Bpi France Export pour les travaux d’achèvement du Complexe sportif d’Olembe.
Les différentes articulations de l’offre technique, du financement du projet ainsi que le budget des travaux d’achèvement du Complexe sportif d’Olembe étaient déclinés ainsi qu’il suit :
Offre technique :
1- L’achèvement de la construction et de l’équipement du stade de compétition (déjà réalisé à près de 79%), de deux terrains d’entraînement (déjà réalisés à près de 68%), de l’hôtel 5 étoiles de 70 chambres et du centre commercial (déjà réalisé à 36%) et l’aménagement des VRD(déjà réalisés à près de 45%).
2- La construction d’une piscine olympique (08) couloirs de 1000 places assises couverte avec différents bassins, d’un gymnase couvert d’une capacité de 2000 places assises offrant une une possibilité d’accueillir simultanément deux compétitions (handball, volleyball, basketball etc), de deux terrains de basketball non couverts, de quatre (04) courts de tennis (deux en béton et deux en terre battue).
Financement du projet :
Le financement du projet devait être assuré par un prêt global équivalent à 83,570 millions d’euros soit 54,822: milliards de Fcfa, par un syndicat de banques, sous la houlette de la banque Standard Chartered Bank aux conditions ci-après :
- Prêt garanti : 85%
- Durée de financement : 12,5 ans
- Période de différé : 02,5 ans
- Taux fixe: CIRR 0,45%
- Commission d’agent : 10.000€ par an pendant la période de décaissement et 5000 € par an pendant la période de remboursement
- Commission d’engagement : 0,00%
- Commission d’arrangement : 0,7%
- Prime d’assurance plafonnée à 11% payable par la facilité
- Prêt commercial : 15%
- Durée de financement : 07 ans
- Période de différé : 01 an
- Taux d’intérêt : Eribor +5%
- Commission d’engagement : 0,30
- Commission d’arrangement : 0,7% flat
Il a été convenu que ces conditions pouvaient par ailleurs faire l’objet d’une négociation entre l’administration, Magil Construction et ses partenaires ; l’État s’engageant à lui accorder toutes facilités administratives et fiscales nécessaires pour la réalisation du projet, conformément aux conditions de financement et à la réglementation en vigueur notamment en ce qui concerne les taxes et droits de douanes, le mode d’enregistrement du marché, les procédures d’enlèvement direct entre autres
Budget des travaux du Complexe sportif d’Olembe et Répartition des 54,822 Milliards de Fcfa
*(1) Reprise des travaux incluant la mobilisation, la démobilisation, la maîtrise d’œuvre, le bureau de contrôle : 6,560 milliards de Fcfa
Pour ce qui concerne les travaux proprement dits sur le site, ils étaient globalement divisés en deux grandes phases :
PHASE 1: 21.415.336.095 FCFA (vingt et un milliard quatre cent quinze millions trois cent trente six mille quatre-vingt quinze FCFA) pour :
(2) Achèvement des travaux du stade principal 60.000 places
(3) Achèvement des travaux de 2 terrains d’entraînement annexes (A et B), 1000 places chacun
(4) Construction d’un hôtel 5 étoiles, 70 chambres
(5) Aménagement des sites, VRD et stationnement 2000 places
*PHASE 2 : 22,9 milliards de Fcfa pour :
(6) Construction d’un palais de sports d’une superficie de 3950 mètres carrés incluant 4 vestiaires, 2000 places
(7) Construction d’une piscine olympique 8 couloirs, d’une superficie de 3950 mètres carrés, différents bassins, 1000 places, incluant vestiaires.
(8) Centre commercial
(9) Centre sportif extérieur comprenant :
- 2 terrains de basketball avec 2 vestiaires
- 2 terrains de volleyball avec 2 vestiaires
- 4 terrains de tennis *PHASE 3 :04milliards de FCFA pour: (10) Contingence, accélération des travaux, maintenance et entretien jusqu’à la fin de la CAN 2021. Comme on peut le constater, les deux premières phases (1 et 2) cumulées font 44,3 milliards de FCFA. Par des surfacturations et autres subterfuges dignes de la mafia sicilienne, MAGIL CONSTRUCTION a déjà perçu 48 milliards de FCFA sans avoir terminé les travaux de la première phase (phase 1).
Qui a donc payé MAGIL CONSTRUCTION ? En d’autres termes qui est l’ordonnateur du paiement ? Par quelle institution a-t-on procédé au paiement de MAGIL CONSTRUCTION ? Qui sont les vrais acteurs de la chaîne de paiement ?
Plusieurs décomptes ont effectivement été effectués à la suite de multiples correspondances du *ministre d’État, SGPR adressées au Directeur général de la Caisse autonome d’amortissement. Toutes ces correspondances avaient pour objet le “Démarrage des travaux d’achèvement en mode Engineering, Procurement et construction management d’un complexe sportif dans la ville de Yaoundé à Olembe”.
Les décomptes suivants ont été ordonnés par le Minetat SGPR au DG de la CAA au profit de MAGIL CONSTRUCTION :
- 21 avril 2021 : 944.018.365 FCFA soit 1.439.417€
- 22 juin 2021 : 975.579.478 FCFA soit 1.487.261€
- 22 juin 2021 :1.072.089.585 FCFA soit 1.634.390€
- 21 avril 2021: 5.394.468.103 FCFA soit 8.223.813 €
- 29 juillet 2021: 534.029.049FCFA soit 814.122€
- 29 juillet 2021: 996.865.877 FCFA soit 1.519.712€
- 29 juillet 2021: 597.598.977 FCFA soit 911.033€
- 13 septembre 2021: 21.928.534.408 FCFA soit 33.429.835 € .
- 29 octobre 2021: 510.379.027 FCFA soit 778.067 €
- 29 octobre 2021 : 146.402.410 FCFA soit 223.183€
- 29 octobre 2021: 145.079.714 FCFA soit 221.172€
- 29 octobre 2021 : 268.539.788 FCFA soit 409.386€
- 29 octobre 2021: 572.398.047 FCFA soit 872.615€
- 29 octobre 2021: 573.269.629 FCFA soit 873.943€
La liste n’est pas exhaustive.
Il ressort de ce qui précède que l’ordonnateur du paiement est le ministre d’État SGPR et les *paiements ont été effectués par le DG de la CAA (Caisse autonome d’amortissement). Si l’on s’en tient à ces décomptes et bien d’autres, MAGIL CONSTRUCTION a déjà perçu 48,8 milliards de FCFA qui équivaut à l’exécution des points (1) à (9) du budget du projet. Pourtant la réalité sur le terrain est autre . Les points (1) à (3) sont exécutés de façon sensible alors que les points (4) à (9) ne le sont nullement D’où vient-il que MAGIL CONSTRUCTION arrive à gagner un procès contre l’État du Cameroun qui est sommé de verser près de 15 milliards de Fcfa à l’entreprise canadienne ? *Difficile de ne pas croire que les fonds débloqués au niveau de la CAA dans le cadre de certains* décomptes ordonnés par le ministre d’État SGPR ont pris des destinations autres que la domiciliation bancaire de MAGIL CONSTRUCTION. C’est extrêmement grave.
Le Cameroun est décidément devenu un torrent de scandales : Covidgate, Olembegate qui présentent la particularité d’avoir été pilotés par des Task force logées à la présidence de la République avec à leurs têtes le même patron.
De ce qui précède, sur quoi se fonde le ministre d’État SGPR pour proclamer que la justice a blanchi les deux Task force ? Comment peut-on raisonnablement glorifier une telle crapulerie de gestion au point d’offrir des médailles à tous les membres des deux TASK FORCE au nom de l’État du Cameroun ? Des médailles de vol et de détournement de deniers publics, de la perversité et de la médiocrité.
La mafia arrogante et de surcroit méprisante doit être démantelée et les coupables interpellés puis neutralisés conformément à la loi.
Hon Jean Michel Nintcheu
Député