Par Sandra Embollo
C’est la menace à peine voilée contenue dans une lettre adressée le 19 février 2024 par le secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, au secrétaire général des services du Premier ministre, Magloire Séraphin Fouda.
« (…) J’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir réitérer aux ministres assurant la tutelle technique de ces entités publiques, les très hautes instructions du chef de l’Etat réglementant les déplacements à l’étranger des responsables susvisés. Vous voudrez bien préciser à leur intention, que des sanctions appropriées seront désormais prises à l’encontre de tout haut responsable qui s’aviserait de quitter le territoire national, sans l’autorisation préalable du chef de l’Etat », peut-on lire dans cette correspondance.
À en croire le plus proche collaborateur du chef de l’État, « des instructions spécifiques ont d’ores et déjà été données aux autorités aéroportuaires et aux responsables des forces de sécurité, en vue de la stricte application des très hautes instructions présidentielles relatives à la sortie du territoire national des hauts responsables concernés ». Ce rappel à l’ordre à l’intention des dirigeants des entreprises publiques, précise la correspondance de Ferdinand Ngoh Ngoh, participe de la mise en œuvre des directives présidentielles relatives à la réduction des dépenses de fonctionnement de l’État.
En effet, l’on se souvient que dans une autre correspondance datée cette fois-ci du 4 janvier 2024, M. Ngoh Ngoh, répercutant les « très hautes instructions » du chef de l’État à son homologue de la primature, prescrit au gouvernement la « rationalisation des dépenses publiques de fonctionnement ». Ceci, à l’effet de réduire le train de vie de l’État généralement jugé très coûteux.
Loi de finances 2024
« Faisant suite au message du chef de l’État à la nation le 31 décembre 2023, et dans le prolongement de ses directives antérieures relatives à l’objet repris en marge, j’ai l’honneur de vous réitérer ses très hautes instructions prescrivant aux chefs de départements ministériels et aux gestionnaires de crédit de toutes les autres entités publiques, de limiter substantiellement la création des comités/groupes de travail et les dépenses y afférentes, les missions à l’étranger ainsi que les achats de véhicules de fonction et les dépenses de carburant ».
avait écrit Ferdinand Ngoh Ngoh à Magloire Séraphin Fouda.
L’on peut cependant remarquer que ces instructions présidentielles, quasi-annuelles, sont survenues un mois après l’adoption par le Parlement et la promulgation par le président de la République, de la loi de finances 2024. Logiquement, c’est de cet instrument de politique publique qu’aurait clairement pu transparaître l’ambition de réduire le train de vie de l’État du Cameroun. Mieux, une lecture attentive de la nouvelle loi de finances révèle plutôt une augmentation substantielle des prévisions budgétaires liées à ces dépenses que le chef de l’État instruit le gouvernement et les autres entités publiques de rationaliser.
En effet, à la page 81 de la loi de finances 2024 promulguée par le président de la République, le 19 décembre 2023, sous le titre 3 intitulé « les dépenses de biens et services », code 611, l’on découvre par exemple que « les frais de transport et de mission » projetés par l’État en 2024 sont de 69,2 milliards de FCFA. Ces frais sont en augmentation de 14,3 milliards de FCFA (+26%) par rapport à la prévision de 54,9 milliards de FCFA inscrite dans la loi de finances 2023.