Par Serge Aimé Bikoi
L’expérience des années antérieures témoigne de ce que dans le champ politique camerounais, l’administration travaille à phagocyter les leaders-valets pour servir de faire-valoir avec la bureaucratie compradore. En effet, le ministre de l’Administration territoriale (Minat) a toujours entretenu la haine des contestataires dans l’arène politique. Au regard des faits constatés par le passé, l’administration avait œuvré pour faire germer la politique de la division pour mieux régner. Certaines formations politiques de l’opposition en ont fait les frais. L’Union des populations du Cameroun (Upc) est l’entité qui est, quasiment, aujourd’hui en lambeaux parce que des leaders et des acteurs-laquais avaient été instrumentalisés et happés par l’administration. Toute chose ayant débouché sur le factionnalisme et le clanisme du parti historique. Augustin -Fréderic kodock, Simon Mbila, Henri Hogbe Nlend, Feux Isaii Toko Mangan et Bernard Massoua II, sont des cadres upécistes qui, en 1997, avaient bénéficié des strapontins gouvernementaux tant ils avaient, avec leur leader-valet Kodock, fait allégeance au régime de Yaoundé à la faveur de la signature de la convention d’alliance gouvernementale Upc-Rdpc. C’est ce qui avait entraîné, des années plus tard, la parcellisation et la segmentation de l’Upc administrative, laquelle est diamétralement opposée à l’Upc des fidèles.
En 2018, l’actuel ministre de l’Administration territoriale (Minat) avait continué à entretenir la pieuvre de la division non seulement au sein du parti des crabes, mais aussi dans deux autres formations politiques de l’opposition, telles que le Cameroon people’s party (Cpp) et le Manidem (Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie). Si dans le parti historique, c’est Robert Bapooh Lipot, ancien député Upc, qui avait été coopté par Paul Atanga Nji pour faire office de Secrétaire général de l’Upc à quelques jours de la Présidentielle du 7 octobre 2018, au sein du Cpp, c’est Samuel Tita Fon, qui avait été désigné pour parler au nom de cette entité politique, dont Edith Kah Walla tient les rênes depuis les assises du dernier congrès ordinaire dudit parti, lesquelles remontent à 2013. Kah Walla avait, d’ailleurs, porté plainte contre Atanga Nji en justice et elle avait eu gain de cause à deux reprises au tribunal administratif du Centre.
Georges Anicet Ekane avait, quant à lui, été propulsé à la tête du Manidem à la place de Dieudonné Yebga, leader légitime de cette formation politique. Sachant que Habiba Issa, présidente nationale de l’Upc, élue aux dernières assises du congrès ordinaire, avait refusé, manifestement, de s’allier à la logique du pouvoir de Yaoundé, sachant que Kah Walla incarnait la figure féminine dissidente dans l’arène politique comme D. Yebga, qui a préservé l’âme de l’Upc des fidèles contestataires avérés et patentés, l’administration avait positionné des dirigeants-laquais manipulables et influençables, dont certains avaient construit le G20, une espèce de coalition des partis politiques ayant soutenu la candidature du parti au pouvoir, Paul Biya, en 2018.
Même le G20 créé à la veille de la présidentielle avait bénéficié de l’intégration de Jean de Dieu Momo, président national du Paddec, dont le parti avait été fissuré après avoir accepté d’être coopté dans la mangeoire. A preuve, son vice-président et des membres du Paddec avaient démissionné et avaient rejoint les rangs du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc). À la faveur de son insertion dans le G20, une fois la présidentielle terminée, Momo avait bénéficié d’un strapontin dans le gouvernement du 4 janvier 2019 comme ministre délégué auprès du ministre de la Justice.
Nous vous faisons grâce de ce qui s’était passé en 1991 lorsque le pouvoir de Yaoundé avait pactisé pour évincer Samuel Eboua, alors véritable président national de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp). Il avait été remplacé par Bello Bouba Maigari. Issa Tchiroma Bakary et Ahmadou Moustapha, alors cadres de l’Undp à l’époque, démissionnèrent, eux aussi, de cette formation politique et entrèrent dans le gouvernement de 1997. Tchiroma, Moustapha et Bello y sont toujours actuellement. Les partis politiques dont ils tiennent les rênes (Fsnc, Ando et Undp) sont des partis alliés au Rdpc. Tchiroma se réclame, d’ailleurs, plus biyaiste que Pascal Charlemagne Messanga Nyamding, exclu du Rdpc. C’est le prix de l’acceptation du pas de danse du pouvoir de Yaoundé. Le Front du salut national du Cameroun (Fsnc) est une création de I. Tchiroma alors l’Alliance nationale pour la démocratie et le développement (Andp) est une fabrication de A. Moustapha.
Vers la disqualification de la candidature de Cabral Libii en 2025 ou avant?
Au regard d’un bref aperçu historique du rôle de l’administration dans la flagellation des partis politiques, il y a, aujourd’hui, une brouille entre Robert Kona, le fondateur du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (Pcrn), et Cabral Libii Li Ngue Ngue, président national. Depuis hier, l’on a appris, à travers le communiqué de presse du secrétaire national à la communication et à la propagande, que le congrès que prévoyait organiser cette entité politique le 15 décembre prochain à Kribi a été annulé. En effet, le récépissé de déclaration de manifestation publique a été rapporté par le sous-préfet de l’arrondissement de Kribi 2. Motif : dissensions internes au sein de ce parti. R. Kona a, d’ailleurs, assigné en justice C. Libii, qui est appelé à se présenter au tribunal de première instance de Kaele le 4 janvier 2024. C’est l’entame des turbulences judiciaires au sein de cette formation politique. Que le congrès du 15 décembre prochain soit, parlons peu parlons vrai, annulé est, d’ores et déjà, un signe précurseur des basses manœuvres du régime de Yaoundé dont pourrait être victime Libii s’il n’y prend garde dans les prochaines semaines. En réalité, le contentieux qui va débuter dès janvier 2024 risque de perdurer jusqu’en fin d’année, voire jusqu’en 2025, moment au cours duquel bien de partis politiques seront engagés dans la dynamique de préparation des élections législatives, municipales, ainsi que de la présidentielle. Alors, pendant que l’échéance fatidique desdites échéances électorales pointera à l’horizon, l’administration va, à coup sûr, se servir de cette brouille entre le fondateur et le leader pour brandir le motif des dissensions internes et installer, ipso facto c’est une hypothèse, R. Kona à la tête de ce parti. Pour faire semblant de jouer franc-jeu, l’administration va, sans doute, écarter les deux acteurs englués dans ce contentieux pour installer à la tête du Pcrn un leader-laquais. Toute chose qui ne plaira guère à la base militante, dont les positions convergentes postulent la thèse suivante : “Cabral Libii ou rien”! Ce sera alors le règne d’un contentieux sans fin. Juriste-publiciste, Libii attaquera, indéniablement, la décision de l’administration en justice, mais peine perdue les échéances électorales risqueront de passer pendant qu’il traînera en justice. L’on avait vu le nombre d’années de Kah Walla avait passé en justice pour avoir, in fine, gain de cause quelques années plus tard après la présidentielle de 2018.
Face à cet état de choses, il est impératif qu’il y ait un gentleman agreement, un Modus Vivendi, mieux un consensus entre Kona et Libii afin que les divergences entre les deux têtes de proue soient aplanies. Ce sont deux êtres matures qui doivent se ressaisir et enterrer cette sorte de hache de guerre, dont Rfi s’est faite l’écho hier dans ses éditions de journaux. Si les deux camps actionnent le levier du maximalisme (radicalisme), C. Libii risquera d’être disqualifié pour la présidentielle. C’est le moment opportun d’y réfléchir sérieusement ! Nous ne jetons que les balises de l’analyse de cette brouille sans prendre position en s’inspirant des réalités de l’imposition de certains leaders-laquais à la tête de certaines formations politiques. Aux cadres et aux militants d’y réfléchir aussi!