Par Arlette Akoumou Nga
Au Cameroun, le président de la République Paul Biya a signé le 11 mars 2006, le décret portant création, organisation et fonctionnement de la Commission nationale anti-corruption (Conac). En 18 ans d’existence du bras séculier de l’Etat en matière de la lutte contre la corruption, le préjudice financier de l’Etat dû à ce fléau s’aggrave plutôt malgré les sanctions et condamnations pécuniaires. La preuve, le rapport d’activités pour le compte de l’exercice 2023 fait état d’un montant de 114 milliards de Fcfa.
Ces pertes sont en hausse de 109, 4 milliards de Fcfa (+2 378,2%) en valeur par rapport à 4,6 milliards de Fcfa enregistrés en 2022. C’est d’ailleurs le préjudice le plus important que l’Etat du Cameroun a essuyé ces cinq dernières années après 10,2 milliards de Fcfa en 2019 ; 17 milliards de Fcfa en 2020 ; 43,9 milliards de Fcfa en 2022. Ce qui fait dire au président de la Conac Dieudonné Massi Gams qu’ « en dépit des mesures préventives, la corruption continue de faire des ravages dans notre société ».
Face à l’explosion des cas de dénonciation des actes de corruption, les regards sont désormais rivés vers l’adoption d’un texte juridique. « Nous le faisons depuis longtemps et nous souhaitons un renforcement du dispositif législatif qui peut se faire à travers une loi anti-corruption », a-t-il suggéré dans une récente interview accordée au quotidien national Cameroon. Cette insistance de Dieudonné Massi Gams après une énième en décembre 2023 à l’Assemblée nationale, est une preuve de ce que, son plaidoyer porté depuis des années, est resté lettre morte auprès du sommet de l’Etat où le dossier serait bloqué depuis plus de 10 ans.
Invité à la télévision nationale le 26 septembre 2021, Richard Fegue Ekani, alors chargé d’études à la Conac, affirmait que le « document avait été transmis depuis à qui de droit (entendez le président de la République). Le projet de loi a été élaboré par le ministère de la Justice, la Conac et le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud).
Visiblement, la Conac attend de pied ferme, l’adoption de ladite loi dans l’espoir qu’elle puisse lui conférer un pouvoir coercitif. D’après cette institution, le cadre légal sollicité devrait notamment lui conférer une personnalité juridique, une autonomie financière et internalisation des dispositions des conventions internationales relatives à la lutte contre la corruption, ratifiées par le Cameroun. Dieudonné Massi Gams l’a implicitement réitéré le 26 septembre 2024 lors de la présentation du Rapport sur l’état de la corruption au Cameroun en 2023. « La Conac fait des investigations par rapport aux dénonciations…Nous envoyons le rapport à qui de droit. Les autres vont continuer ce que nous avons commencé. Si on nous permettra de mordre (sanctionner, Ndlr) on va mordre. Pour le moment, on continue d’aboyer (dénoncer, Ndlr) ».