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Cameroun | Hommage à mon cher frère le Pr. Joseph Owona

Par documents panoramiques
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Avec Albert Dzongang

Mon cher frère,
J’ai appris avec émoi ton rappel à Dieu.
Je sais, comme de coutume dans les deuils, que chacun exprime ce que le disparu représentait pour lui ; les uns le mal qu’il leur aurait fait et les autres le bien qu’ils ont bénéficié de lui.
Les uns lui souhaitent d’aller en enfer chez Satan, tandis que les autres intercèdent pour que son âme aille au paradis.
En ce qui me concerne, je suis de ceux qui prient pour le repos de ton âme au paradis. Je ne voudrai pas faire un livre sur nos relations personnelles qui ont été toujours courtoises et très plaisantes.

Je voudrai seulement, maintenant que tu n’es plus là, témoigner sur un pan de ta grande clairvoyance et de ton attachement à la nation, que beaucoup ignorent.
Nous nous sommes vraiment bien connus, pendant la tripartite et à l’occasion de la rédaction des actes de cette grande conférence, qui a mis les bases de la nouvelle constitution de janvier 1996.

Autochtone allogène

Au cours de cette réunion, le sujet qui a préoccupé tous les participants était celui de l’inscription dans la nouvelle constitution, de la notion d’autochtone et d’allogène ainsi que la protection des minorités. Pour ceux qui n’étaient pas présents, il convient de rappeler que cette demande ne venait pas d’un Ekang béti, ni d’un Anglophone, ni d’un originaire du Septentrion. C’était une exigence portée par le patriarche feu Soppo Priso et le pharmacien Pokossy Ndoumbe, au nom des Sawa. En face, il y avait ceux qui estimaient qu’il s’agissait là d’un poison pour la cohésion sociale du Cameroun, thèse défendue par feu le patriarche Kadji Defosso, que je secondais. L’assemblée s’est divisée sur le sujet et a laissé à la commission de rédaction que tu présidais avec moi parmi les membres, le soin de trouver un terme qui tienne compte des avis exprimés.

Lors de la mise en forme du projet de la constitution, nous avons discuté des heures, du bien-fondé de l’inscription de cette notion dans notre loi fondamentale. Tu m’as appelé après et tu m’as dit ceci « Albert laisse cette affaire, le patron veut donner satisfaction au père Soppo Priso. Mais nous allons rédiger de sorte que ça ne soit pas applicable. » J’ai rétorqué en te demandant comment ? Tu as répondu : « On va mettre çà dans le préambule, en précisant : conformément à la loi ».

Je ne comprenais toujours pas. Tu m’as demandé comment sera motivée la loi d’application d’une telle disposition. Il faudra définir qui est minorité et en quoi elle est menacée, qui est autochtone et qui ne l’est pas, surtout dans une ville comme Douala où 90 % de la population y compris ceux qui s’en revendiquent sont des descendants de parents venus parfois des pays étrangers. Tu as conclu en disant : « Tu vois qu’il n’y aura jamais une loi pour faire appliquer cette disposition. »
Tu m’as convaincu et dans notre constitution, il est écrit : « l’Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi. »

Bravo pour cette vision, car nous attendons toujours cette fameuse loi.
Le mandat impératif est nul
Le deuxième point sur mes 54 amendements présentés au cours des débats, était la protection des élus (députés, conseillers municipaux). Dans les anciens textes, il était dit que, tout député qui démissionne ou est exclu de son parti, perd son mandat. Je me sentais en danger, le Rdpc me menaçant d’exclusion. Tu m’as dit encore ceci : « Je ne partage pas cette façon de traiter les élus. Nous allons modifier scientifiquement cette disposition et protéger les élus. Tu peux être tranquille. »
Il y avait dans la commission de rédaction de dernière mouture présentée en 1996, Monsieur le Premier Vice-président de l’Assemblée nationale Etong Hilarion.
Tu as présenté le texte comme suit :
De l’Assemblée Nationale
Article 15 :
Alinéa (2) : Chaque député représente l’ensemble de la nation.
Alinéa (3) : Tout mandat impératif est nul.
Cette formule est passée sans attirer l’attention des présidents de partis, qui avaient auparavant un moyen sûr pour contrôler leurs élus. Ils ne se sont avisés que lorsque j’ai démissionné des rangs du Rdpc, et qu’au cours de la prochaine séance, le président de l’Assemblée nationale Cavaye Yeguié Djibril m’a demandé de sortir, car je n’étais plus membre du parti qui m’avait investi.

J’ai ri, et d’un ton moqueur, je lui ai demandé de bien relire la constitution. Il s’est tourné vers l’honorable Etong pour lui demander ce que je voulais dire. Ce dernier lui a dit que dans la nouvelle constitution, il est stipulé que tout mandat impératif est nul. On a relu l’article pour expliquer aux députés, à la grande désolation des chefs des partis représentés à l’Assemblée nationale, que je demeurais élu du peuple.
Cet éminent Professeur, venait de sauver le mandat des élus, sans que personne n’y prête attention.

Grâce à ces alinéas que je voudrai appeler « Alinéas Joseph Owona » les mandats des élus sont protégés et la démocratie en est sortie grandie. Tous les élus et les partis politiques doivent remercier ce visionnaire libérateur.
Il convient également de noter que le sphinx trouvait là une occasion de corriger les erreurs du Rdpc de 1992.
En effet, le parti au pouvoir a perdu les élections législatives de cette année-là, et s’est fait rouler dans la farine par l’Undp. Ayant constaté qu’il n’avait pas la majorité à l’Assemblée nationale, le Rdpc a imaginé un stratagème, consistant à faire démissionner les députés de Bamboutos des rangs de l’Undp, et d’avoir ipso facto, une majorité à l’Assemblée nationale. La mission fut confiée au regretté Tchouta Moussa « Directeur général » du Port autonome de Douala à l’époque. A coup de millions, il a payé à chacun, ce qu’il aurait perçu en cinq années de mandat. Tous les députés des Bamboutos ont démissionné de l’Assemble nationale.
Dans la précipitation, le Rdpc avait oublié ce que disait la loi à l’époque.

Tout député démissionnaire est remplacé automatiquement par son suppléant. Malgré les quelques millions reçus par les suppléants pour démissionner eux aussi, ces derniers sont venus à l’Assemblée nationale et l’opération a foiré. Cette nouvelle disposition visait donc a donné au Rdpc, la possibilité, avec les moyens d’Etat dont il dispose, de débaucher en cas de besoin, les députés des partis d’opposition et de les enrôler pour constituer une majorité, vu l’état de dénuement de certains de nos élus, fiers d’avoir amélioré leur niveau de vie, plutôt que de servir le peuple.

Un patriote est mort

Il est bien entendu qu’avec l’aide d’Elecam et de l’administration, le Rdpc a pris des dispositions pour gagner dans les fausses urnes et avoir une majorité obèse à l’Assemblée nationale sans bourse déliée.
Les partis peuvent aujourd’hui compter dans leurs rangs des élus libérés. Le mandat de l’élu vient du peuple et ne peut être retiré par personne. L’élu a le droit de changer de parti politique et de continuer à représenter l’ensemble de la nation.
Pr. Joseph Owona tu as été un homme controversé, mais ta science et ta perspicacité n’ont jamais été remises en cause. Tes actes et amitiés que je connais ne cadrent pas avec ce que beaucoup pensent de toi. Tu as été un citoyen bien inspiré. Merci pour la science que tu as transmise
De là-haut, au paradis, inspire tes compatriotes en ce qui est bien pour la cohésion et le progrès de notre pays, inspire ta descendance pour qu’elle soit comme toi, quand c’est nécessaire, des patriotes dont notre beau pays a besoin.
Mon cher frère, repose en paix.

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