Par Mon’Esse
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme exige de l’Etat du Cameroun le remboursement la somme de 1.395.648,69 dollars, soit plus de 852 millions FCfa, représentant la valeur de stocks de médicaments subventionnés, ayant été frauduleusement sortis des magasins de la Centrale nationale d’approvisionnement en médicaments et consommables médicaux essentiels (Cename) pour être injectés dans des circuits douteux.
La correspondance, datée du 11 juin et adressée au ministre de la Santé publique (Minsante), Manaouda Malachie, se réfère aux conclusions d’une série d’évaluations ponctuelles, conduites depuis mai 2023 par l’agent local du Fonds quant à la gestion de médicaments acquis grâce à sa subvention au profit du pays, les évaluations s’étant penchées sur la gestion et les pratiques de stockage des produits de santé à la Centrale nationale d’approvisionnement en médicaments et consommables médicaux essentiels (Cename) et dans 5 des 10 Fonds régionaux pour la promotion de la santé (Frps) dans le pays.
Ce principal partenaire financier du Cameroun, en matière de lutte contre le paludisme, la tuberculose et le sida pointe un doigt accusateur sur le Programme national de lutte contre le paludisme (Pnlp), comptable selon lui de trafic de 444.228 ampoules d’Artesunate 60mg injectable sorties entre janvier 2022 et mars 2023 dans des circonstances suspectes des magasins du Cename.
«Des correspondances, note le rapport du Fonds mondial, sont arrivées du Gtc-Pnlp pour ordonner les livraisons par la Cename des intrants antipaludiques à certaines structures non connues dans le circuit officiel de distribution tel que recommandé dans le Syname (Système national d’approvisionnement en médicaments essentiels).»
Egalement sur le banc des accusés, la Croix Rouge camerounaise (Crc) dont le dispensaire à Yaoundé, la capitale, a reçu, par des méthodes détournées, la livraison, entre le 1ᵉʳ janvier et le 31 mars 2023, de 120.000 ampoules d’Artesunate 60mg injectable, et un deuxième volume de 150.000 ampoules du même médicament sur autorisation du Pnlp.
Ledit dispensaire a ainsi, à lui seul, reçu le quadruple du stock d’Artesunate que le Pnlp a mis à la disposition de toutes les formations sanitaires de la région de l’Ouest (30.800 ampoules) pendant la période.
Quant à l’organisation non gouvernementale dénommée Christson, elle a, apprend-on, reçu jusqu’à 100.400 ampoules d’Artesunate en 2022 et 70.200 ampoules au premier trimestre 2023.
A tout ceci, s’ajoute un stock de 3628 ampoules d’Artesunate 60mg injectable, livré en 2022 à un individu, Mekongo Mbarga Gwladys, et non à une structure sanitaire.
«Les produits antipaludiques livrés anormalement à des destinataires inappropriés, note le Fonds mondial, pourraient se retrouver hors du circuit classique de distribution (par exemple des formations sanitaires à but lucratif ou alimenter tout autre marché parallèle du secteur informel afin d’être vendus aux populations).»
Le rapport du Fonds mondial, selon l’information reçue de la Cename, indique que la Crc et Christson sont venues dans les entrepôts de la Cename avec des camionnettes banalisées pour enlever leurs produits, alors que c’est la Cename qui est habilitée à livrer les produits directement chez les commanditaires.
A en croire des sources du dossier, de nombreux personnels du Pnlp et de la Crc sont actuellement en détention provisoire, alors que le dossier est traité depuis août par le Tribunal criminel spécial (Tcs).
Bénéficiaire principal de la subvention du Fonds mondial, le Pnlp avait jusqu’au 11 août 2024 soit pour justifier les dépenses non-conformes, soit pour rembourser les montants mis en cause dans leur totalité et, «passé ce délai, ces dépenses seront classées non-conformes et feront l’objet d’une lettre de recouvrement sollicitant le remboursement de leur totalité».